Les produits Monsanto sont bio et c’est l’Europe qui le dit! L’impertinence de Charles Sannat

Depuis que j’ai lancé ce blog, qui a pour but premier de fournir des traductions en français des meilleurs ressources sceptiques anglophones, je me suis toujours dit que j’y écrirais parfois des articles de mon crû. En presque deux ans d’existence de ce blog, ce billet sera le premier.

Pourquoi ce sujet? Aucune raison en particulier. J’ai des Google Alerts définies pour mon compte Sceptom, dont une pour le terme « OGM », et j’ai vu donc récemment apparaître ce titre: « SCANDALEUX ! Les produits Monsanto sont bio et c’est l’Europe qui le dit ! » Je me suis laissé tenter par le clickbait évident du titre, mais j’étais curieux de voir le contenu de l’article. Il ne m’a pas fallu longtemps pour me rendre compte du peu de sérieux de l’auteur, et j’étais en train de formuler un commentaire pour répondre directement sur la page lorsque je me suis dit que ce serait en fait un bon candidat pour un billet Sceptom.

L’article de Charles Sannat

Que raconte donc cet article? Il a été écrit par un certain Charles Sannat, à la base sur son propre blog Insolentiae.com, le 13 novembre 2015, puis repris sur le site EconomieMatin.fr où je l’ai consulté via mes Google Alerts. L’article est une sorte de réaction à un rapport publié la veille par l’autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA (European Food Safety Authority), concernant une réévaluation des données concernant la sûreté du glyphosate dans le contexte du renouvellement de son autorisation. Je creuserai plus loin le contenu exact du rapport mais je voudrais d’abord décrire l’article de Sannat.

L’introduction donne directement le ton: Monsanto est une grosse boite qui vous enverra ses avocats pour vous faire taire si vous osez les critiquer. Moi, je suis un gentil, et eux, ce sont les méchants. Voyez par exemple:

Il faut donc peser chaque mot et avancer chaque argument avec une infinie prudence afin d’éviter le procès susceptible de tout faire capoter, car même si les gentils gagnent à la fin, il faut quand même payer les avocats, les frais divers et avariés liés à de telles procédures.

Ou encore:

les produits Monsanto il ne faut surtout pâs les boycotter parce que appeler au boycott d’une marque est désormais totalement prohibé par nos lois totalement démocratiques et nous assurant une liberté totale de pensée et d’expression

Après cette introduction peu exemplaire, Sannat entre ensuite dans le vif du sujet. Il a vu fleurir les titres dans l’actualité: « Herbicides: l’EFSA juge « improbable » le risque cancérigène du glyphosate ». Mais il n’est pas d’accord avec l’EFSA et décide donc d’écrire un billet pour son blog. Pourquoi n’est-il pas d’accord? On ne le saura jamais car il a préféré utiliser la rhétorique plutôt que les faits scientifiques pour défendre sa position. Avec un mélange de raillerie et de bon vieil épouvantail, Sannat nous dit:

Vous savez le glyphosate est ce produit très bon pour la santé et dont je vous recommande la consommation d’une cuillère à café à chaque repas, qui est produit par la grande firme mondiale Monsanto et plus connue sous le nom de Round-Up qui est un super gentil désherbant qui ne fait pas de dégâts environnementaux du tout.

Il commet ici une erreur extrêmement courante, celle consistant à ignorer l’adage pourtant crucial: c’est la dose qui fait le poison. La phrase originale – Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose détermine ce qui n’est pas un poison – n’est pas tout récente, puisque son auteur, Paracelse, l’a écrite en 1538. Ce que ça signifie, c’est que vous pouvez prendre n’importe quelle substance, aussi toxique soit-elle, et la rendre inoffensive en la diluant suffisamment. C’est ainsi qu’on peut consommer sans crainte des produits homéopathiques à base d’arsenic, une substance connue pour être hautement toxique. Après une préparation homéopathique, les quelques molécules qui subsisteront sur les granules n’auront aucun effet toxique, et d’ailleurs aucun effet du tout. Dans un autre registre, certains anti-vaccins blâment les prétendus effets secondaires des vaccins sur la présence de formaldéhyde, substance classée comme cancérigène par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer), mais ignorant superbement – à moins qu’il ne s’agisse de malhonnêteté intellectuelle – que la quantité de formaldéhyde dans les vaccins est infime et de loin inférieure à la quantité naturellement présente dans le corps humain, même d’un nourrisson. Certains fruits contiennent naturellement des niveaux relativement hauts de formaldéhyde. Comme l’explique très bien Julie Boulier:

Si l’exposition ponctuelle d’un nourrisson à une dose de formaldéhyde inférieure à 2% de la quantité naturellement présente dans son sang inquiète l’un ou l’autre parent, il ferait mieux de cesser sur le champ de consommer des poires qui contiennent individuellement une dose équivalent à 40 % de leur propre quantité de formaldéhyde sanguin.

Mais l’inverse est vrai également: des produits considérés comme extrêmement sûrs peuvent être toxiques à dose suffisamment forte. On peut par exemple mourir d’une overdose d’eau.

Tout ça pour dire qu’affirmer qu’un produit est toxique ne veut rien dire. Pour que l’information soit pertinente, il faut se poser les questions suivantes:

  1. Quelle est la dose nécessaire pour avoir un effet toxique chez l’humain (et qui peut varier selon le mode d’exposition: respiration, ingestion, topique, etc.) ?
  2. Quelle est la gravité des effets néfastes?
  3. À quelle dose sommes-nous potentiellement exposés lors de l’utilisation normale du produit en question?

Sannat ne répond à aucune de ces questions à propos du glyphosate. Il ne fait pas que les ignorer, il les maltraite directement en prétendant pouvoir accuser le glyphosate sous prétexte qu’en consommer une cuillère à café par jour serait nocif pour la santé. Je suis certain que, comme tout le monde, Sannat utilise occasionnellement des insecticides pour se débarrasser de mites, fourmis, mouchettes ou tout autre insecte indésirable chez lui. Ce faisant, il s’expose ainsi au produit utilisé. Mais si je lui disais que s’asperger le produit directement dans les poumons pouvait lui causer des problèmes de santé, je doute que ça le convainque de ne plus y avoir recours . Petite parenthèse, cette notion de dose est également absente des classifications du CIRC, qui établit le degré de certitude d’un lien de causalité entre une substance et son pouvoir cancérigène, mais sans tenir compte de la dose nécessaire pour qu’il y ait un risque significatif. Cet excellent billet de la Théière Cosmique explique très bien tout ça.

Toujours est-il que Sannat ne fait pas confiance aux conclusions de l’EFSA et décide donc de remonter à la source, ce qui est tout à son honneur. Enfin, ce le serait s’il avait été capable de comprendre correctement ce qu’il lisait. Il écrit:

C’est écrit en toutes lettres sur les sites officiels. « ON SE FOUT DE VOTRE GUEULE » et vous ne lisez même pas…

[…]

En gros on vous explique sur le site même de l’EFSA […] qu’en gros c’est Monsanto qui pilote la task force européenne sur l’étude des Glyphosates tout en sachant, sinon ce ne serait pas drôle, que c’est Monsanto qui est accessoirement le plus gros producteur et vendeur de glyphosate…

Et de conclure, plus bas:

Aujourd’hui vous avez la preuve, sous les yeux, que en Europe ce sont les producteurs de produits chimiques qui décident de classer ou pas cancérigène leur propre production…

Le reste de l’article est une suite de variations sur le thème « à bas l’Europe », à coup de railleries et autres amalgames grossiers. Attention, Sannat se défend: « Je ne suis pas anti-européen, ou contre l’Europe ». Ça ne l’empêche pas d’affirmer quelques lignes plus loin (c’est moi qui souligne):

Je constate que notre Europe est une Europe totalitaire, corrompue jusqu’à la moelle par les lobbys et les grandes multinationales.

[…]

La première [conclusion] à titre collectif c’est que nous devons œuvrer tous ensemble comme citoyen pour tuer cette Europe qui sinon nous tuera tous et qu’il en va de la survie même de notre pays et de ses habitants. Si j’étais chef d’Etat je dirais que l’Europe menace les intérêts vitaux de la France.

Ce qui ne ressemble pas du tout au discours de quelqu’un qui n’est pas anti-Europe…

Le rapport de l’EFSA

Mais revenons au rapport de l’EFSA. Que nous raconte-t-il réellement? Le glyphosate a fait l’objet d’une autorisation européenne en 2002, et les réglementations à l’époque prévoyaient une durée d’autorisation de dix ans. Une procédure de renouvellement d’autorisation a donc été lancée en 2012 à l’initiative de la Glyphosate Task Force. Le GTF est un consortium de sociétés qui produisent et vendent du glyphosate, dont le brevet, rappelons-le, a expiré en 2000, ce qui signifie que n’importe quelle entreprise peut décider d’en commercialiser sans devoir verser des royalties à Monsanto, le détenteur original du brevet. Ceci explique également le fait que le GTF comprend 23 membres, dont des noms bien connus du grand public comme Monsanto et Syngenta. Le GTF a été créé dans le but de rassembler les ressources et efforts de ces entreprises pour cette demande de renouvellement d’autorisation, et dans ce contexte, Monsanto joue le rôle de représentant du GTF. On peut difficilement s’étonner de voir des firmes défendre leur business.

Selon la réglementation européenne pour le renouvellement d’autorisation de substances actives, le GTF représenté par Monsanto dépose une demande auprès d’un État Membre rapporteur (RMS pour Rapporteur Member State), dont le rôle est de vérifier l’admissibilité du dossier de demande et de procéder à une évaluation initiale qu’il inscrira dans un rapport, le RAR (Renewal Assessment Report). L’État Membre en question est l’Allemagne, ayant été également le RMS lors de la première autorisation du glyphosate entre 1999 et 2002. Conformément à la réglementation, le dossier RAR préparé par l’Allemagne a été soumis à l’EFSA en décembre 2013, lequel a ensuite initié en janvier 2014 un processus d’évaluation par les pairs, en envoyant ledit rapport à tous les États Membres ainsi qu’aux demandeurs, la GTF, pour consultation et commentaires. L’EFSA a également décidé de procéder à une consultation publique du RAR.

L’ensemble des commentaires a été collecté par l’EFSA, puis renvoyé au RMS pour les compiler et évaluer le statut du dossier. L’Allemagne a alors jugé qu’il leur manquait certaines informations et a donc soumis aux demandeurs une liste de commentaires pour réponse. Après réception des réponses, l’EFSA, le RMS et la Commission se sont réunis pour finaliser le dossier, mais ont conclu que certains points n’étaient pas résolus. Le 6 août 2014, la Commission mandate alors l’EFSA pour organiser une consultation d’experts dans les domaines de toxicologie des mammifères, résidus et écotoxicologie. Après consultation, l’EFSA met à jour son rapport avec les commentaires des experts.

Fin avril 2015, l’EFSA reçoit un nouveau mandat de la Commission Européenne, lui demandant de prendre en compte les résultats du CIRC, qui était en train de travailler indépendamment sur le sujet et venait de publier ses conclusions le mois précédent. Il a fallu attendre la publication, fin juillet 2015, du monographe complet détaillant notamment les études considérées et les analyses statistiques, pour que ces conclusions soient prises en compte par l’EFSA qui a de nouveau envoyé le rapport mis à jour aux états membres pour récolter leurs commentaires. La conclusion finale est tombée sous forme d’un rapport approuvé fin octobre 2015 et officiellement publié le 12 novembre 2015. C’est ce rapport final qui constitue la source de l’article de Charles Sannat.

Donc, en bref, l’idée selon laquelle « c’est Monsanto qui pilote la task force européenne sur l’étude des Glyphosates » est tout à fait fausse. Monsanto a joué un rôle de représentant du GTF, un consortium de firmes ayant pour but de soumettre un dossier commun pour le renouvellement de l’autorisation européenne du glyphosate, auprès d’un état membre, en l’occurrence l’Allemagne, pour la soumission de cette demande. Le GTF a ensuite participé sous forme de réponses aux commentaires que l’Allemagne a compilé à partir des évaluations par les experts des autres états membres. Ces réponses ont été jugées insuffisantes par l’Allemagne, la Commission et l’EFSA, cette dernière relançant alors une nouvelle consultation d’experts et ajoutant plus tard encore les résultats de l’évaluation du CIRC. Ce processus est donc beaucoup plus long et complexe que voudrait nous le faire croire Sannat, et surtout, il démontre bien le rôle minoritaire du GTF, et a fortiori de Monsanto, dans les conclusions de l’EFSA.

Quant aux conclusions, elles disent ceci: « Il est peu probable que le glyphosate pose un risque carcinogène pour l’homme, et les données scientifiques ne soutiennent pas la classification du glyphosate comme potentiel carcinogène ».

EFSA vs CIRC

Bien que Sannat ait compris de travers le rôle de Monsanto dans toute cette histoire, son article a au moins le mérite de soulever une autre question, bien plus intéressante à mes yeux, à propos de la conclusion opposée de l’EFSA par rapport au CIRC quant au potentiel carcinogène du glyphosate. Je considère cette question beaucoup plus intéressante car, comme vous l’aurez constaté, le processus d’évaluation a été long, a impliqué des dizaines d’experts et groupes d’expert qui ont revu une littérature approchant le millier d’articles. Il est quasiment impossible pour le citoyen lambda d’espérer avoir une opinion légitime sur un tel sujet, même en passant quelques heures sur Google, le « meilleur ami » de Sannat. La seule façon plausible d’avoir une opinion un tant soit peu pertinente est de lire les rapports d’experts.

Mais que faire lorsque les experts ne sont pas d’accord? Comment l’EFSA est-elle arrivée à une conclusion différente du CIRC? Il y a de nombreuses raisons à cela, et le rapport même de l’EFSA donne quelques pistes. Un premier point évoqué est que le CIRC a évalué le glyphosate ainsi que des formulations basées sur le glyphosate, tandis que l’EFSA s’est concentrée uniquement sur le glyphosate pur. Un second point concerne le nombre d’études prises en compte. Dans son rapport, l’EFSA a évalué 3 études sur des souris et 9 études sur des rats qui n’avaient pas été revues par le CIRC. Troisièmement, l’EFSA et le CIRC sont en désaccord sur les techniques statistiques utilisées pour évaluer la carcinogénicité dans les études animales et sur l’utilisation des données de contrôle historique. La revue européenne a utilisé comme contrôle les données historiques du même laboratoire responsable des données expérimentales. En-dehors de ces considérations soulevées dans le rapport de l’EFSA, il faut également noter la différence entre les deux processus d’évaluation. Celui de l’EFSA aura duré près de trois ans, tandis que le CIRC a réuni un panel pendant une semaine. Enfin, il faut rappeler que le groupe 2A de l’IARC n’est pas un groupe « fort » au sens de la certitude de l’association. Le rationnel pour faire partie de ce groupe, c’est l’existence d’indices suggérant un potentiel carcinogène chez l’humain et/ou l’existence de preuves suffisantes d’une association chez les animaux.

Le rapport du CIRC lui-même précise que les données sont limitées en ce qui concerne la carcinogénicité chez l’humain. Plusieurs critiques ont d’ailleurs été émises par d’autres experts.

Dans le processus d’évaluation de l’EFSA, les experts étaient unanimes, à l’exception de l’un d’entre eux, pour conclure qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves en faveur d’une association entre la substance active glyphosate et un risque carcinogène pour l’homme. Au vu des autres points cités ci-dessus, j’aurais personnellement tendance à faire plutôt confiance aux conclusions de l’EFSA qu’à celles du CIRC. Néanmoins, l’existence de vues minoritaires contraires au sein des experts européens, ainsi que les conclusions opposées du CIRC, signifient que la prudence est de mise, et que, comme très souvent en sciences, les conclusions sont établies jusqu’à preuve du contraire, et ont donc un caractère temporaire dans l’attente de nouvelles données.

Conclusion

Le blog de Charles Sannat, Insolentiae, nous apprend que « Insolentiae signifie impertinence en latin ». Il est au moins fidèle à sa ligne éditoriale puisque cet article est tout sauf pertinent.

On a là un exemple d’un raisonnement motivé par une idéologie politique, en l’occurrence anti-Europe. L’idéologie fait rarement bon ménage avec la pensée critique, et quoique Sannat prétend en faire usage, il nous fait plutôt la démonstration d’une lecture biaisée, pour ne pas dire complètement erronée, du rapport de l’EFSA. Ajoutez à cela quelques arguments fallacieux et artifices rhétoriques: biais de confirmation sous forme de cherry-picking, argument de l’épouvantail, moquerie, amalgames… Et bien sûr, aucune donnée, seulement des affirmations péremptoires.

L’autre conclusion, c’est que la science est complexe. Se faire une opinion dans un sujet scientifique n’est pas une mince affaire. Et lorsque le sujet a des ramifications politiques, il faut être extrêmement vigilant à ne pas laisser ses positions idéologiques influencer la démarche d’évaluation critique des données. Comme toujours, le scepticisme est l’approche salutaire. Suspendez votre jugement tant que les données ne sont pas concluantes. Révisez-le lorsque de nouvelles données se font connaître. Lorsque les données sont nombreuses et difficiles à interpréter, la position la plus sobre est d’écouter la communauté des experts, sans pour autant leur prêter une confiance aveugle.

12 réflexions sur “Les produits Monsanto sont bio et c’est l’Europe qui le dit! L’impertinence de Charles Sannat

  1. Cahotique ce dialogue en commentaire…

    Il semble à première vue que vous utilisez cet article Sannat, qui a intéressé peu de monde, comme moyen de faire passer Monsanto en victime. Vous ne rappelez rien de ce qu’est Monsanto et surtout de ses « méthodes », rien de la longue liste d’errements de l’EFSA. Le temps pris pour la décision et le nombre d’experts ne sont par forcément des arguments en faveur d’un consensus valable. Encore faut-il que les experts ne soient pas en conflit d’intérêt ou tout simplement corrompus, que le corpus ne soit pas présélectionné par des lobbyistes ou étrangement biaisé, que les bureaucrates fassent leur travail, que les juges soient honnêtes. Ca fait déjà pas mal.

    Et Oh! Juste ciel, mondieumondieumondieu quelle surprise… Que vient-il de se passer aus Etats-Unis, avec leur EFSA (EPA), une belle affaire de présélection d’études favorables https://theintercept.com/2015/11/03/epa-used-monsanto-funded-research/

    Et Oh, c’est justement ce que dit, entre autres, cette lettre apportée par Fabien http://www.zeit.de/wissen/umwelt/2015-11/glyphosat-offener-brief.pdf
    On écarte certaines études publiées sans bonne raison et on panache avec certaines autres sorties du chapeau, préliminaires, ni publiées, ni revues par la communauté…

    Et ceux qui ont un peu de mémoire diront que cela fait des décennies que ça dure…

    On est en période de réautorisation: c’est-à-dire gros enjeux économiques. Bon à la fin, Monsanto aura probablement son autorisation pour continuer ses oeuvres charitables, et l’EFSA aura peut-être plus tard (hors période de gros enjeux économiques) le loisir de revoir un peu sa position, diplomatiquement. Consensus mou, gloire devant les siècles assurée…

    « c’est la dose qui fait le poison. » Souvent, mais pas toujours. Période d’exposition, dimension et forme, un contre-exemple typique : les perturbateurs endocrininens (leurres hormonaux) https://fr.wikipedia.org/wiki/Perturbateur_endocrinien. Et certaines études concluent justement que le glyphosate en serait un…

    « à bas l’Europe » : à bas l’Europe corrompue que l’auteur conspue, pas le reste de l’Europe, vous faites un amalgame (… sur l’amalgame de Sannat…). Je suis d’accord avec vous, son style est fait de raccourcis pas très finauds, mais plus on étudie l’affaire…

    Par ailleurs, j’ai du mal à comprendre que vous vous disiez penseur sceptique et que vous fassiez de la pub pour un organe de propagande aussi grotesque que le site « imposteurs ». Mais je ne vous considère pas forcément de mauvaise foi. Il est probable que vous soyez juste orienté vers certaines « sources convergentes » par copinage (suivez mon regard). C’est la méthode de certaines petites mains à l’AFIS (tout n’y est pas noir, mais les mauvaises habitudes persistent), et d’autres encore plus douteux (à l’occasion…), pour faire avancer certaines causes entendues selon la méthode « passons les fruits pourris en les enveloppant de belles pommes ». Je reste sceptique, et surtout du milieu sceptique francophone! 😉

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    • Merci pour votre commentaire.

      « Il semble à première vue que vous utilisez cet article Sannat, qui a intéressé peu de monde, comme moyen de faire passer Monsanto en victime. Vous ne rappelez rien de ce qu’est Monsanto et surtout de ses « méthodes » »

      L’article, pas plus que celui de Sannat, n’est vraiment à propos de Monsanto. Sannat en parle surtout pour attirer le lecteur par son titre, en profite pour tirer à gros boulets sur la firme, et de mon côté je ne fais que dénoncer une vision très naïve d’un monde dans lequel Monsanto incarnerait le mal absolu. Ce n’est même pas une introduction et le sujet était le glyphosate et le rapport de l’EFSA versus celui du CIRC. Il n’y avait aucune raison de continuer à parler de Monsanto.

      « Le temps pris pour la décision et le nombre d’experts ne sont par forcément des arguments en faveur d’un consensus valable. »

      Je ne suis pas d’accord. Plus il y a d’experts qui se penchent sur leur sujet, plus grande est la chance que s’ils arrivent à un consensus, celui-ci représente la position la plus solide. Ce n’est pas une règle absolue bien sûr, et c’est loin d’être suffisant comme critère, mais ça peut aider le néophyte à prendre position. Toutes choses étant égales par ailleurs (et j’insiste sur cette notion), plus grand est le groupe d’experts, plus les questions d’opinion, idéologies, a priori et risques de biais sont noyées dans la masse.

      « Encore faut-il que les experts ne soient pas en conflit d’intérêt ou tout simplement corrompus »

      Il faut toutefois faire remarquer que le conflit d’intérêt n’est PAS un argument valable pour refuser un résultat. In fine, la robustesse d’un résultat n’a rien à voir avec qui a payé la recherche qui a donné ce résultat, mais tout à voir avec la méthodologie qui l’a produit. C’est un point extrêmement important et je le répète: la validité d’un résultat dépend uniquement de la méthodologie, pas de qui a payé.
      Évidemment, ça c’est dans un monde parfait, mais il y a tout de même quelques difficultés. La première c’est la transparence de la méthodologie: ce qu’on peut lire dans les publications est souvent une présentation incomplète de la méthodologie (pas forcément pour des raisons malhonnêtes mais simplement pour l’espace limité et la pertinence des différents éléments de la méthodologie à sélectionner pour inclure dans le texte). La seconde a plutôt rapport à « l’expérience » de l’expérimentateur, ces petites choses inconscientes dans la façon de faire les manips, qui peuvent facilement influencer un résultat, dans un sens comme dans l’autre d’ailleurs, quoique plus souvent dans le sens qui convient aux a priori du chercheur. Certains domaines sont plus sensibles que d’autres à ce genre d’effets, et j’ignore à quel point celui de la recherche sur le glyphosate peut y être sujet. Il faut souligner par contre que, de nouveau, il ne s’agit pas nécessairement de malhonnêteté de la part de l’expérimentateur. Je vous invite à lire un autre post du blog qui parle, entre autres, de cette question: https://sceptom.wordpress.com/2014/09/08/des-verites-individuelles-ny-times/
      La troisième difficulté, probablement la plus pertinente ici, concerne le lecteur non expert face à des publications qu’il ne pourrait entièrement comprendre et donc ne pourrait pas critiquer avec pertinence la méthodologie. Ici, le conflit d’intérêt devient un facteur facile à regarder et pouvant potentiellement donner une indication qu’il faut être un plus prudent que d’habitude sur la fiabilité des résultats présentés s’il se trouve que le chercher est effectivement en conflit d’intérêt. Ce n’est pas une bonne raison pour rejeter les résultats, ce serait commettre une erreur de raisonnement, mais c’est une bonne raison pour creuser un peu plus et demander avis à des experts.

      Mais surtout, dans un cas qui nous concerne comme ici avec deux groupes d’experts qui ne sont pas d’accord, on peut retourner « l’accusation » de conflit d’intérêt (voire de corruption comme vous le faites) à n’importe lequel des deux groupes. Il « suffira », pour celui qui penche plutôt d’un côté, d’accuser l’autre groupe de conflit d’intérêt et de corruption. Il faut noter également que le conflit d’intérêt n’est pas uniquement financier, et j’ai même tendance à penser, quoiqu’il ne s’agit ici que d’une opinion personnelle, que les conflits d’intérêt de type idéologique sont beaucoup plus problématiques.

      Toujours est-il que nous ne connaissons pas la liste des experts impliqués dans le rapport de l’EFSA et ne pouvons donc utiliser cet argument pour refuser leurs résultats.

      « que le corpus ne soit pas présélectionné par des lobbyistes ou étrangement biaisé »

      Voici un point qui est hautement pertinent: la sélection des études à inclure dans les méta-analyses et revues systématiques. Je n’ai moi-même pas été lire les études choisies par l’EFSA ou le CIRC, et je n’ai de toute façon pas les compétences pour juger de leur inclusion.
      Mais je peux dire toutefois que le problème, en général, est difficile. Il ne suffit pas de rechercher toutes les études faites sur un sujet et les agglomérer. Il faut avant tout évaluer, pour chacune, leur qualité méthodologique, décider d’un certain seuil d’acceptabilité, puis se focaliser sur celles qui ont passé ce seuil, tout en gardant en tête que même dans ce sous-échantillon, certains études sont plus robustes que d’autres. (et il faut tenir compte en plus de phénomènes difficilement quantifiables comme le biais de publication, l’effet tiroir, le p-hacking, etc).
      J’ai bien vu les objections faites dans la lettre apportée par Fabien, et si vous avez lu mon commentaire en réponse à Fabien, je trouve la critique très pertinente. Maintenant, pour faire l’avocat du diable, j’ignore également si la critique est pertinente. Il se peut que l’EFSA ait délibérement ignoré lesdites études pour précisément des questions de faiblesse méthodologique. Dans d’autres domaines que je connais beaucoup mieux, j’ai déjà vu des défenseurs de médecines alternatives critiquer la dernière méta-analyse qui concluait à l’inefficacité de leur pseudo-thérapie préférée au motif que l’analyse avait omis d’inclure des études montrant des résultats positifs. Oui mais sauf que les études en question n’avaient aucune valeur tant leur méthodologie était faible.
      Je ne dis pas que c’était le cas pour l’EFSA car je n’en sais rien, mais je ne peux l’exclure non plus simplement par l’absence d’une réponse de l’EFSA (ou mon ignorance d’une réponse qu’ils auraient faite).

      Par rapport à l’article de The Intercept, il y a quelques éléments dans le texte qui me font hésiter par rapport à la confiance que je devrais avoir dans son analyse.

      Mais en gros, j’en reviens à la même position que dans un précédent commentaire à Fabien: il y a manifestement des difficultés dans les deux rapports et en l’absence d’un consensus plus évident des experts, je ne me permettrais pas d’annoncer que le glyphosate est ou n’est pas cancérigène (ou plus spécifiquement que son utilisation normale réglementée pose ou non des risques pour la santé humaine).

      « c’est la dose qui fait le poison. » Souvent, mais pas toujours. Période d’exposition, dimension et forme, un contre-exemple typique : les perturbateurs endocrininens (leurres hormonaux)

      Les perturbateurs endocriniens ne sont pas une exception à la « règle ». C’est juste qu’ils peuvent perturber à très faible concentration. Mais si je m’injecte une seule molécule de n’importe quel perturbateur endocrinien, je ne verrai pas la différence, à part peut-être un petit bleu à l’endroit de la piqûre.

      Concernant le milieu sceptique, je n’ai pas de copinage en particulier. Je connais bien sûr plusieurs personnes du milieu, et il se trouve évidemment qu’une bonne partie de nos positions se recoupent, mais ce n’est que parce que c’est la même méthode d’investigation et d’argumentation qui a été utilisée. Je ne comprends pas bien les insinuations, voire accusations, de propagande, de « petites mains » de l’AFIS, mais c’est probablement parce que je ne connais pas vraiment les gens qui y travaillent. Je ne m’intéresse qu’au contenu, dans la mesure où je peux raisonnablement juger de sa pertinence, ce qui n’est pas toujours le cas. Si vous trouvez qu’Imposteurs mérite des critiques, n’hésitez pas à les poster sur la section commentaire du site. Quand je lis un article de blog, je lis presque systématiquement les commentaires qui apportent souvent des contre-informations intéressantes. Si vous y écrivez, je vous lirai également là-bas.

      Vous pouvez être sceptique du milieu sceptique francophone comme bon vous semble. Je me rattache volontiers à l’étiquette sceptique, mais pas à un milieu en particulier, dans le sens où je ne suivrai aucune ligne idéologique, et je pense même pouvoir dire que de toute façon, il n’existe pas de ligne idéologique dans le « milieu sceptique ».

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      • Bon très rapidement j’ai très peu de tps. Merci pour la longue réponse, vous avez pris le temps.
        Pour tout ce qui touche à Monsanto, une série de méthodes douteuses sont à supposer, de par l’historique des manoeuvres ouvertement mises en oeuvres par la firme. Mais je suis d’accord que juste dire que c’est le diable est un peu court.
        « Le temps pris pour la décision et le nombre d’experts ne sont par forcément des arguments en faveur d’un consensus valable. » Vous objectez et avez raison, dans la condition « toutes choses étant égales par ailleurs ». J’aurais dû spécifier.
        Pour le match conflits d’intérêt / biais méthodo : certes le lien n’est pas systématique, mais il est d’une importance capitale de bien garder à l’esprit qu’un agent motivé peut toujours dissimuler des failles sous un monceau décourageant de complexités. Ces décisions issues d’études aux failles subtiles, aux données brutes secrètes, où il faut des procès incertains durant des années pour en connaître les termes, aux experts « créatifs » et grassement rénumérés, aux décideurs corrompus, parfois ouvertement et fièrement, c’est justement un marque de fabrique de… 🙂
        Méthode de l’avalanche (quand se présente un goulot d’étranglement, genre une réautorisation) : trouvez des failles dans une étude, tout est contesté avec force « experts » en com, une centaines d’autres sont produites avec d’autres ou voire les même failles, vous devez les étudier, pendant ce temps des études préliminaires sont prises en compte par des décideurs sans qu’on sache pourquoi et comment, et hop le train est passé, etc.
        Pour les perturbateurs endocriniens vous pinaillez, c’est généralement considéré comme un phénomène non tenu à la règle de Paracelse.
        Pour le site Imposteurs, dans la mesure où le verbe vise à forcer la propagation de technologies intéressant au premier chef des multinationales (humanitaires va sans dire), à discréditer des groupes entiers à priori, en tournant en ridicule les personnalités et leurs arguments (sans vraiment en parler quelque soit leur pertinence), à générer des corrélations spécieuses, des mécaniques simplistes, des visions réductionnistes de la condition humaine, et que ce verbe émane au moins en bonne part d’auteurs à la longue carrière de lobbyistes à la solde de bureaux de com de firmes douteuses, ben j’ai des petits doutes, effectivement. J’ai lu. Les commentaires émanent en général des collègues. C’est pas dur à recouper quand même… http://www.combat-monsanto.org/spip.php?article1069
        Bon courage pour objecter à toutes leurs petites mécaniques créatives, beaucoup ont fait de « grandes » écoles et sont payés pour créditer leur camp. Il est à mon sens plus hygiénique des les virer du débat (méchant vous me direz, mais comment faire entendre raison à un délirant ayant un intérêt supérieur à délirer?). Voilà pourquoi faire de la pub pour le site Imposteurs, pour un sceptique, c’est une balle dans le pied, un peu comme faire de la pub pour des conspi. L’un dit « aie confiancccccccce », l’autre dit « aie peurrrrrrrrr »! lol
        Pour le reste, j’ai peut-être jugé vite (« statistiquement », on dira…). On va vite savoir de toute façon. Bonnes fêtes l’ami 🙂

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  2. Erreur de manipulation, je reposte mon commentaire ici :

    Attention, Stéphane Foucart (« référence scientifique » du Monde) remonte à l’assaut pour défendre les courageux du CIRC contre les traîtres vendus de l’EFSA (j’exagère à peine) : http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/07/petits-arrangements-avec-la-verite_4826110_3232.html
    Extrait pertinent :
    « Grâce à un subtil mélange d’instrumentalisation de la science, de capture de la réglementation, de propagande et de lobbying, le glyphosate est devenu, en deux décennies, un Léviathan de l’industrie phytosanitaire. Tout cela ne tombe sous le coup d’aucune loi. Et ce, d’autant moins qu’au mépris de l’avis tout juste rendu par le CIRC, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) vient de rendre un rapport qui le blanchit de tout potentiel cancérogène, ouvrant la voie à sa réautorisation en Europe pour les dix prochaines années.
    S’il faut, comme l’estiment les environnementalistes, juger Monsanto, alors il faudrait aussi faire comparaître, tout à côté, les agences publiques d’évaluation du risque qui sont ses fidèles supplétifs.
    Cette instruction-là est aussi en cours. Mais elle est moins médiatique que le théâtre des procès symboliques. Dans une lettre discrète mais assassine, adressée le 27 novembre aux autorités européennes, une centaine de scientifiques de premier plan (épidémiologistes, toxicologues, etc.) mettent en pièces l’avis favorable rendu par l’EFSA sur le glyphosate. En huit pages serrées, les signataires montrent comment des erreurs subtiles, indétectables par la majorité d’entre nous, peuvent avoir des conséquences de grande magnitude sur la réglementation. Petits arrangements avec la vérité, gros dégâts. La justice, elle, n’y verra jamais que du feu. »

    Que savez-vous de cette fameuse « lettre discrète mais assassine d’une centaine de scientifiques de premier plan » ? Faut-il vraiment jeter le rapport de l’EFSA à la poubelle, comme le suggère (sans grande nuance pour le coup) M. Foucart ?
    Merci d’avance pour tout éclaircissement !

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    • Je n’avais connaissance ni de l’article de Foucart, ni de cette lettre. À vrai dire, ce n’est pas un sujet que je suis de près. Je n’ai pas vraiment lu l’article de Foucart, surtout parce que son accès est restreint et on a le droit de n’en voir qu’un extrait (à moins de payer). J’ai par contre retrouvé assez facilement sur Google la lettre en question, dont voici un lien vers un exemplaire: http://www.zeit.de/wissen/umwelt/2015-11/glyphosat-offener-brief.pdf

      Après lecture, je dois avouer que je suis dans la difficulté. En effet, je n’ai pas assez de connaissances sur le domaine et sur la littérature scientifique pour pouvoir fournir une opinion pertinente. Je peux toutefois fournir quelques commentaires « superficiels ».

      Sur l’article de Foucart, d’après les paragraphes disponibles librement et les extraits que vous citez ici, j’aurais tendance à ne pas trop prendre au sérieux ce qu’il écrit. Il semble y avoir un a priori idéologique qui motive un ton accusateur, un manque de prudence par rapport à des données manifestement difficiles à assimiler, et une vision du monde un peu naïve. Je ne m’étendrai pas plus sur le sujet.

      À propos de la lettre: il s’agit d’une réponse bien écrite, qui soulève des arguments qui semblent tout à fait pertinents. Les critiques faites sur le rapport de l’EFSA semblent légitimes et je dis sans honte que cela m’amène à douter de ma propre position. Par curiosité, j’ai été voir qui était l’auteur principal de cette lettre, un certain Christopher Portier, qui avait déjà contribué au rapport du CIRC et qui avait donc plutôt intérêt à défendre ses conclusions précédentes. J’apprends par ailleurs que c’est un grand défenseur du Principe de Précaution, utilisé parfois à l’extrême puisqu’il le recommande également dans le cas des champs EM-RF. Quand on connait un peu le sujet, ça parait assez ridicule.
      Mais tout de même, Portier n’est pas tout seul à écrire cette lettre, et de toute façon, ce sont les arguments qui priment. Si je m’intéresse à la personne, c’est parce que je ne suis pas suffisamment équipé pour juger des arguments et je cherche donc des moyens de savoir si je peux « faire confiance » à la personne.

      Donc voilà, je me retrouve dans une situation où je dois suspendre mon jugement. Des corps scientifiques arrivent à des conclusions différentes et ont eu chacun l’opportunité de la justifier en ayant connaissance de la position de l’autre. C’est un cas typique qui ne pourra être résolu qu’avec plus de données scientifiques et de futures ré-évaluations. Il semble que les données actuelles soient en effet suffisantes pour justifier la classification donnée par le CIRC, sans oublier toutefois que cette classification est elle-même sujette à critique, la plus importante étant qu’elle ne tient pas compte de la dose d’exposition. On pourrait peut-être même argumenter que le CIRC a raison de classer le glyphosate comme il l’a fait, mais que l’EFSA a également raison de dire qu’il peu probable qu’il y ait un risque, dans la mesure où les doses d’exposition dans une utilisation normale du produit sont en-dessous du seuil d’effet biologique (mais ce concept de seuil est lui-même critiquable!). N’oublions pas également que la catégorie 2A reprend aussi l’exposition professionnelle des métiers de coiffeur ou barbier. Utiliser cette catégorie pour bannir le glyphosate signifie qu’on doit alors aussi bannir les coiffeurs et barbiers.

      Conclusion: 2 corps scientifiques respectables sont en désaccord, je n’ai pas l’expertise suffisante pour déterminer lequel possède les meilleurs arguments, il faut attendre de nouvelles données scientifiques et de nouvelles évaluations, je ne prends pas position.

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      • Merci pour votre réponse modérée et néanmoins très pertinente. Je partage votre regard critique sur le ton manifestement militant de M. Foucart, mais de fait on ne peut que lui reconnaître le mérite d’avoir attiré l’attention sur cette lettre. J’espère que la communauté scientifique parviendra à dépasser cet étrange statu quo entre deux positions apparemment respectables (même si, comme vous le dites, en un sens chacun peut avoir raison).
        Et merci pour l’intéressant rapprochement avec les coiffeurs, dont je me passerais plus difficilement que des barbiers 🙂

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  3. C’est une question difficile.
    Mon attitude générale quant aux opinions sur un sujet scientifique se résument de la façon suivante: la science est complexe, la littérature est difficile à lire et la qualité/robustesse méthodologique des recherches est difficile à évaluer, même si on est soi-même scientifique mais qu’on s’aventure dans un domaine en-dehors de son expertise, la compilation de milliers de références comme ici est tout aussi compliquée, donc le seul avis qui a un tant soit peu de légitimité c’est de lire les rapports d’experts.
    Ça laisse tout de même deux difficultés: 1. identifier qui est un expert fiable, et 2. Quid si les experts ne sont pas d’accord entre eux?
    Pour le premier point, il est à mon avis peu recommandé d’identifier un expert unique et de suivre son avis. On se rapproche dangereusement de l’argument d’autorité et on n’a pas de garantie que cet expert-là en particulier ne soit pas biaisé d’une façon ou d’une autre. C’est pour ça que le consensus des experts est beaucoup plus fort, puisque les éventuels biais d’un ou l’autre expert sont alors noyés dans la masse, et si les experts ont un consensus, cela signifie que la qualité des preuves est forte et qu’il s’agit probablement de la position la plus légitime à avoir sur la question.
    Pour le second point, celui qui nous intéresse, ça devient vite compliqué. On est alors obligé de se renseigner plus sur les experts en question et sur la façon dont ils ont évalué les preuves pour arriver à leurs conclusions.
    Dans le cas de l’EFSA versus CIRC, j’aurais tendance à m’aligner plutôt sur l’avis de l’EFSA, pour les raisons mentionnées dans l’article:
    – beaucoup plus d’experts impliqués dans le processus de l’EFSA
    – on ne connait pas qui étaient exactement les experts impliqués dans l’EFSA, mais le CIRC on peut connaitre la liste; une partie d’entre eux ne sont pas du tout des experts dans le cancer, mais plutôt en défense de l’environnement.
    – processus beaucoup plus long à l’EFSA
    – l’EFSA a tenu compte du CIRC dans son rapport, l’inverse n’est pas vrai
    – les produits évalués ne sont pas entièrement les mêmes
    – le CIRC dans son propre rapport écrit que les preuves ne sont pas convaincantes pour l’homme; Mais la classification 2a ne nécessite pas forcément des preuves convaincantes pour l’homme s’il existe déjà des preuves assez fortes pour les animaux de laboratoire. Ce qui semble être le cas, quoique certains critiques du CIRC disent qu’ils ont omis d’autres études importantes ne montrant pas de risque.
    – la classification du CIRC ne tient pas compte des notions de dose mais seulement du potentiel cancérigène ou non d’une substance; C’est une classification dichotomique: il existe un certain niveau de preuves permettant de faire un lien entre le produit et le cancer, ou il n’en existe pas. Mais ça ne dit rien sur la quantité de la substance nécessaire pour avoir le cancer. L’alcool est par exemple dans la catégorie 1, la plus forte, mais des consommations très modérées d’alcool ne présente probablement aucun risque. Dans un article mis en lien dans ce billet, il y a cette comparaison: les peaux de banane sont très certainement responsables d’accidents. C’est quelque chose de très rare, avec un gros concours de circonstances, mais on peut affirmer avec certitude qu’une peau de banane a le potentiel de causer des accidents. Dans la logique du CIRC, ça veut dire que les peaux de banane seraient rangés dans la même catégorie que les voitures.

    Quant à Foucart, je ne peux pas me prononcer, je ne connais pas suffisamment ses écrits pour pouvoir juger.

    En bref: je pense qu’il est raisonnable de penser que l’avis de l’EFSA est plus fort que celui du CIRC, mais c’est une question certainement pas évidente. Vu le nombre gigantesque d’études existant sur le glyphosate, le simple fait qu’on ait un désaccord entre groupes d’experts signifie aussi que, si effectivement il y a un risque, il doit être très très faible parce que sinon il serait très facile à mettre en évidence et tous les experts seraient d’accord.

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    • Attention, Stéphane Foucart (« référence scientifique » du Monde) remonte à l’assaut pour défendre les courageux du CIRC contre les traîtres vendus de l’EFSA (j’exagère à peine) : http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/07/petits-arrangements-avec-la-verite_4826110_3232.html
      Extrait pertinent :
      « Grâce à un subtil mélange d’instrumentalisation de la science, de capture de la réglementation, de propagande et de lobbying, le glyphosate est devenu, en deux décennies, un Léviathan de l’industrie phytosanitaire. Tout cela ne tombe sous le coup d’aucune loi. Et ce, d’autant moins qu’au mépris de l’avis tout juste rendu par le CIRC, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) vient de rendre un rapport qui le blanchit de tout potentiel cancérogène, ouvrant la voie à sa réautorisation en Europe pour les dix prochaines années.
      S’il faut, comme l’estiment les environnementalistes, juger Monsanto, alors il faudrait aussi faire comparaître, tout à côté, les agences publiques d’évaluation du risque qui sont ses fidèles supplétifs.
      Cette instruction-là est aussi en cours. Mais elle est moins médiatique que le théâtre des procès symboliques. Dans une lettre discrète mais assassine, adressée le 27 novembre aux autorités européennes, une centaine de scientifiques de premier plan (épidémiologistes, toxicologues, etc.) mettent en pièces l’avis favorable rendu par l’EFSA sur le glyphosate. En huit pages serrées, les signataires montrent comment des erreurs subtiles, indétectables par la majorité d’entre nous, peuvent avoir des conséquences de grande magnitude sur la réglementation. Petits arrangements avec la vérité, gros dégâts. La justice, elle, n’y verra jamais que du feu. »

      Que savez-vous de cette fameuse « lettre discrète mais assassine d’une centaine de scientifiques de premier plan » ? Faut-il vraiment jeter le rapport de l’EFSA à la poubelle, comme le suggère (sans grande nuance pour le coup) M. Foucart ?
      Merci d’avance pour tout éclaircissement !

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  4. Merci beaucoup pour cet intéressant article. J’avais eu vent de cette affaire suite à l’article de Stéphane Foucart la semaine dernière dans Le Monde : http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/11/13/feu-vert-des-experts-europeens-pour-le-glyphosate_4808681_3244.html.
    Comme d’habitude, M. Foucart s’échine à trouver des critiques contre l’EFSA mais ne trouve jamais rien à redire au rapport du CIRC, alors que vous mentionnez vous mêmes dans vos liens ces critiques pourtant nombreuses. Cela fait un certain temps que je soupçonne M. Foucart de manquer cruellement d’objectivité en la matière (lui-même soupçonnant systématiquement les experts non alarmistes comme sujets à conflits d’intérêt ou pire comme des idéologues). Qu’en pensez-vous, pour votre part ? Sachant qu’il fait plutôt autorité parmi le (petit) monde des journalistes scientifiques français, je serais heureux de savoir à quoi m’en tenir désormais.

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