Mythes toxiques sur les vaccins (David Gorski)

Ce post est une suite à mon dernier article sur les vaccins. Parce que le sujet est trop important.

L’original est « Toxic myths about vaccines« , publié par David Gorski le 18 février 2008.

Je ne vous cache pas d’emblée que l’article est un peu long, mais il est vraiment intéressant et je vous suggère de le lire jusqu’au bout. Internet étant en mouvement constant, et vu la date de l’article original, il est possible que certains liens dans le texte soient morts. Si je m’en suis rendu compte pendant la rédaction et ai pu retrouver un lien fonctionnel, je l’ai modifié. Si, par ailleurs, vous utilisiez l’extension Web of Trust dans votre navigateur, je vous conseille de le désactiver si vous cliquez sur ces liens. Les sites des anti-vaccins sont tellement peu crédibles que mon WoT me lance des alarmes rouge vif à chaque fois que je tente d’y accéder. « Êtes-vous certains de vouloir entrer sur ce site? » me demande-t-il. « Oui, dis-je, pour l’esprit critique ». Trêve de bavardages, voici le long-mais-intéressant article de David Gorski.

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Depuis qu’il existe des vaccins, il y a un mouvement anti-vaccins. Il débuta peu après qu’Edward Jenner découvrit comment utiliser le virus affaibli de la vaccine afin d’induire une immunité de longue durée contre la variole; depuis lors, il y a eu et il y a encore aujourd’hui une résistance au concept de la vaccination. Les raisons de cette résistance vont de la religion à la peur d’injecter des substances étrangères, en passant par la simple résistance face à un gouvernement qui nous dicte ce qu’on doit faire. Certains craignent le risque pourtant infinitésimal que les vaccins posent au profit d’une résistance aux maladies, bien plus qu’ils ne craignent la maladie elle-même, ce qui est d’ailleurs un signe de l’énorme succès des vaccins actuels. Bien entendu, les vaccins, comme n’importe quelle autre intervention médicale, comportent certains risques, ce qui fournit des munitions à ceux qui veulent sauter sur l’occasion de pointer du doigt même la plus petite suspicion de problèmes dus à un vaccin, réels ou imaginaires, alors que les vaccins sont parmi les traitements les plus sûrs.

Un des mythes les plus tenaces que les anti-vaccins soutiennent et utilisent allègrement pour provoquer la peur des vaccins est le concept qu’ils sont plein de « toxines ». Le mythe que le mercure du conservateur Thimérosal, couramment employé dans les vaccins aux USA jusqu’au début 2002, était une cause majeure de l’autisme, est tout simplement le dernier épouvantail utilisé pour tenter d’arguer que les vaccins font plus de mal que de bien, tout comme la campagne de panique élaborée en réponse aux recherches sans valeur d’Andrew Wakefield prétendant avoir trouvé un lien entre le vaccin ROR et l’autisme. Maintenant que, étude après étude, on n’arrive toujours pas à trouver ou corroborer ce lien entre le thimérosal des vaccins ou les vaccins en général et l’autisme, au point où même les plus catholiques que le pape ont du mal à défendre encore le point de vue que le mercure des vaccins cause l’autisme, on s’attendait à ce que la campagne anti-vaccins en reviennent au bon vieux mythe des « toxines ». Si vous parcourez en long et en large les sites web anti-vaccins, il ne vous faudra pas longtemps pour trouver des articles qui affirment que les vaccins sont remplis des plus terrifiantes et méchantes toxines. Les exemples dans les médias abondent également. Par exemple, Jenny McCarthy, actrice de comédie et ancienne Playmate Playboy qui a suivi le circuit du talk show et de la publicité dernièrement, afin de faire vendre son bouquin dans lequel elle affirme que les vaccins sont responsables de l’autisme de son fils et qu’elle a réussi à le guérir avec des régimes et interventions « biomédicales », a récemment donné une interview où elle disait:

Ce que je suis vraiment, c’est « anti-toxines » dans les vaccins. Je crois qu’il y a bien une corrélation entre les vaccinations et l’autisme. Je ne crois pas que ce soit la seule cause, mais je pense qu’ils déclenchent – ça déclenche – l’autisme chez ces enfants. Un très bon exemple de ça, c’est… c’est, parfois l’obésité peut déclencher le diabète. Je crois effectivement que les vaccins peuvent déclencher l’autisme… C’est bien plus que le mercure uniquement. Ce n’est qu’un ingrédient parmi d’autres dans la recette de l’autisme… Je parle de tous, je lance un appel au nettoyage des toxines. Les gens ne réalisent pas qu’il y a de l’aluminium, de l’éther, de l’antigel, du mercure, dans les produits… Les gens ont peur du tabagisme passif, mais ils sont OK avec l’injection chez les bébés de la deuxième pire neurotoxine sur la planète

Un autre exemple de ce que j’appelle parfois la « tactique des toxines » vient de Deirdre Imus, épouse de Don Imus, le roi de la provoc’, le couple étant bien connu comme des promoteurs dans les médias de l’affirmation que les vaccins seraient une cause de l’autisme:

Alors, où sont les études basées sur les preuves (et sans conflit d’intérêt) qui prouvent la sûreté de ces quantités « infimes » et qu’il n’y a « pas d’effet biologique » de la moindre quantité de mercure injecté à nos enfants et nos femmes enceintes? Et où sont les études basées sur les preuves qui prouvent la sûreté des vaccins donnés aux mamans enceintes et à nos enfants, qui contiennent d’autres toxines telles l’aluminium et le formaldehyde?

L’exemple le plus récent de cette tactique vient d’une organisation appelée Generation Rescue, qui a sorti la semaine passée une publicité pleine page dans USA Today, payée en partie par Jenny McCarthy et son petit ami du moment Jim Carrey: [Lien cassé]

Excepté le fait qu’il s’agit d’un des exemples les plus flagrants du sophisme post hoc ergo propter hoc1 que j’aie jamais vus sur un site anti-vaccins, cette pub de Generation Rescue démontre clairement une nouvelle stratégie (ou, plus précisément, une résurrection d’une vieille technique) alors que la science aboutit à la conclusion que le mercure des vaccins n’est pas une cause de l’autisme, une stratégie consistant à propager la panique en créant un lien entre les vaccins et les « toxines ». Qu’en est-il donc vraiment? Y a-t-il vraiment des toxines mortelles dans les vaccins et dont les parents devraient s’inquiéter?

Pour répondre à cette question, j’ai songé à utiliser comme point de départ ce qui me parait être l’exemple le plus incroyablement exagéré de cette stratégie de lister les « toxines » dans les vaccins. Cet exemple est concrètement un post d’un certain Kent Heckenlively qui écrit pour le blog Age of Autism un article intitulé FDA Says A-OK: Vaccine ingredients from A to Z. Ce post examine une liste prise directement du site web du CDC, contenant les ingrédients trouvés dans les vaccins à part les protéines bactériennes ou virales conçues pour activer une réponse immunitaire protectrice, et tente d’effrayer les parents à propos de chacun de ces ingrédients. Bien entendu, la quasi totalité des comparaisons ne reconnait même pas ce principe pharmacologique ancestral que « la dose fait le poison » et extrapole les conséquences horribles qu’on connait suite à une exposition prolongée ou une exposition à de grandes quantités des produits trouvés en quantité infime dans les vaccins. C’est bien ce que fait M. Heckenlively à un niveau franchement grotesque. Cependant, aussi indiscutablement ridicule que puisse être l’article de M. Heckenlively, je ne pense pas qu’il s’agit d’un épouvantail2 et il vaut mieux prendre la peine d’engager la discussion, car elle servira presque de concentré de reductio ad absurdum contre les arguments qu’utilisent les anti-vaccins à propos des « toxines » dans les vaccins. Quelques exemples, en commençant par ceux-ci, montreront aisément ce que je veux dire:

La néomycine est utilisée comme produit anti-bactérien. Elle est également néphrotoxique et peut occasionner des dégâts aux reins.

Et:

La polymyxine B est utilisée comme produit anti-bactérien. Elle se lie à la membrane cellulaire et altère sa structure, la rendant plus perméable. L’afflux d’eau qui s’en suit mène à la mort cellulaire. Les effets secondaires comprennent une neurotoxicité et une nécrose tubulaire aigüe.

Et:

La streptomycine est utilisée comme produit anti-bactérien. La streptomycine stoppe la croissance bactérienne en endommageant les membranes cellulaires et en inhibant la synthèse protéique. Spécifiquement, elle se lie à l’ARNr 16S du ribosome bactérien, et interfère avec la liaison du formyl-methionyl-ARNt à la sous-unité 30S. Ceci empêche l’initiation de la synthèse protéique. Les humains ont des ribosomes structurellement différents de ceux des bactéries, permettant ainsi la sélectivité de cet antibiotique pour les bactéries. La streptomycine ne peut être donnée per os, mais doit être administrée par des injections intramusculaires régulières. Un effet secondaire de ce médicament est l’ototoxicité, avec comme possible conséquence une surdité permanente.

Tout ceci est vrai mais extrêmement trompeur. Pourquoi? Le dosage recommandé de la streptomycine pour le traitement de plusieurs infections est de 20-40 mg/kg par jour, avec un maximum d’1 g par jour! Pourquoi est-ce important? Parce que tous les vaccins qu’un enfant reçoit pendant toute sa vie contiennent, combinés, bien moins qu’1 mg, voilà pourquoi. Les antibiotiques comme la streptomycine et la néomycine sont utilisés dans les milieux de culture cellulaire à faibles concentrations afin de supprimer la croissance bactérienne. Ces antibiotiques sont listés simplement parce qu’ils sont utilisés pendant la culture des cellules nécessaires à la croissance des virus utiles à la fabrication des vaccins. Au moment où le vaccin est finalisé, on ne trouve plus que des traces de ces antibiotiques, à des quantités bien éloignées de celles pouvant causer une toxicité rénale ou une ototoxicité, qui n’arrivent qu’à des niveaux similaires ou supérieurs à ceux mentionnés plus haut. Je soupçonne que M. Heckenlively est au courant de cela, mais le mentionne tout de même parce qu’il sait que cela fera peur aux parents. En effet, il en arrive à des niveaux de déformation carrément risibles avec cet exemple:

La saccharose est utilisée comme stabilisant. La surconsommation de saccharose a été associée avec certains effets secondaires sur la santé. Le plus commun est la carie dentaire, dans laquelle des bactéries présentes dans la bouche convertissent le sucre (y compris le saccharose) de la nourriture en acide qui attaque l’émail des dents. Lorsqu’une grande quantité de nourriture avec un haut pourcentage de saccharose est consommée, les bons nutriments peuvent être éliminés de l’alimentation, ce qui peut contribuer à un risque accru de maladies chroniques. Il a été suggéré que les boissons riches en saccharose pourraient être liées au développement de l’obésité et de la résistance à l’insuline.

Est-ce que Heckenlively croit honnêtement que les bébés mangent les vaccins, ou que les vaccins contiennent kilogrammes sur kilogrammes de saccharose? Avec cette même logique, je pourrais affirmer que, puisque l’agent de chélation EDTA est utilisé dans certains vaccins comme conservateur, les bébés pourraient l’utiliser comme traitement contre l’empoisonnement aux métaux lourds. Malheureusement, M. Heckenlively n’est pas le seul à user de telles distorsions pour attaquer les vaccins. Par exemple, voici quelques affirmations encore plus trompeuses sur d’autres listes anti-vaccins similaires, ainsi que sur d’autres ingrédients des vaccins:

L’hydroxyde de sodium (appelé également soude ou soude caustique) est corrosif et peut irriter les yeux, la peau et les voies respiratoires. Peut brûler les yeux, la peau et les organes internes. Peut causer des dégâts aux poumons et tissus, cécité et peut être létal si avalé. Présent dans les nettoyants pour four, nettoyants pour carrelages et bains, nettoyants pour cuvettes de toilette et siphons.

Et:

L’acide chlorhydrique: PEUT DÉTRUIRE LES TISSUS AU CONTACT DIRECT! Présent dans les nettoyants pour aluminium et produits pour éliminer la rouille.

Dans ces commentaire est complètement négligée la simple observation chimique que ces effets dépendent du pH de ces acides et bases. La raison pour laquelle ils sont utilisés dans les vaccins est l’ajustement du pH du vaccin pour qu’il soit neutre. La personne qui a écrit ceci ne comprend clairement pas le concept basique du pH. Pense-t-elle honnêtement que le pH des vaccins est soit 0 (très acide) soit 14 (très basique)? Par ailleurs, l’hydroxyde de sodium, lorsqu’il neutralise une solution aqueuse d’acide, formera simplement le sel de sodium de l’anion qui était dans l’acide. L’acide chlorhydrique formera le sel chlorique du cation qui était dans la base. Lorsque de l’hydroxyde de sodium ou de l’acide chlorhydrique sont utilisés, l’un pour neutraliser l’autre, le résultat est une solution de NaCl au pH neutre: du banal sel de table.

Bien sûr, cette liste contient aussi un certain nombre de produits chimiques qui ont vraiment l’air effrayant. Mais si vous vous rappelez le principe pharmacologique que « la dose fait le poison », ils en ont tout de suite moins l’air. Ces produits sont tous présents à des concentrations extrêmement faibles dans les vaccins, certainement pas à des niveaux présentant le moindre danger. De plus, les propos alarmistes sur ces toxines prétendument effrayantes trahissent un sérieux manque de compréhension de chimie élémentaire.

Voici un exemple. Jenny McCarthy, mentionnée plus haut, répète sans arrêt qu’il y a de l' »antigel » dans les vaccins, notamment dans l’interview dont le lien se trouve plus haut. C’est une idée qu’on retrouve tel quelle dans un certain nombre de sites web anti-vaccins. (Étonnamment, M. Heckenlively a pu se retenir de seriner le refrain de « l’antigel dans les vaccins ». Je ne peux qu’espérer que c’est grâce à une certaine honnêteté intellectuelle, bien que je ne puisse écarter la possibilité qu’il ne le connaissait simplement pas.) Un site web en particulier pointe vers une fiche de données de sécurité de l’antigel/réfrigérant de Quaker State, dont les ingrédients principaux sont l’éthylène et le diéthylène glycol. Devinez quoi? Il n’y a pas d’éthylène ni de diéthylène glycol dans les vaccins. L’exactitude en chimie ou pharmacologie n’a jamais été un grand souci chez les anti-vaccins. Après tout, Jenny McCarthy a également dit qu’il y a aussi de l' »éther » dans les vaccins. Le seul « éther » que j’ai pu trouver la liste du CDC est l’éther polyéthylène glycol pisooctlyphenyl (Triton X-100), un détergent couramment utilisé pour perméabiliser les membranes cellulaires. Dans le passé, un produit appelé Tween-Ether était parfois utilisé à la place du Triton X-100; c’est la même chose, une molécule organique relativement large avec un groupe éther attaché dessus. Je soupçonne que Jenny et la plupart des anti-vaccins sont trop ignorants en chimie pour comprendre que ce n’est pas la même chose que de l’éther diéthylique, qui était utilisé comme agent anesthésique avant le développement d’agents volatils plus sûrs, et est plus souvent connu sous le terme « éther ». Jenny ne semble pas non plus réaliser que l’éther n’est pas très soluble en solution acqueuse. La seule façon concevable d’utiliser l’éther dans le processus de fabrication d’un vaccin, c’est pour un processus d’extraction chimique, auquel cas il serait de toute façon présent seulement sous forme de traces, au pire. Ce n’est peut-être pas la seule origine de l’affirmation qu’il y a de l’antigel dans les vaccins. Notez la première partie du nom du produit « polyéthylène glycol ». Il se trouve justement qu’un composant majeur de nombreux antigels est le produit « éthylène glycol ».

Je soupçonne également que ce mensonge de « l’antigel dans les vaccins » pourrait provenir de l’allégation que l’éthylène glycol est utilisé dans la synthèse du thimérosal. En fait, il est synthétisé à partir de chlorure d’éthyl mercure, d’acide thiosalicylique, d’hydroxyde de sodium et d’éthanol; je ne sais pas s’il existe d’autres méthodes de synthèse impliquant de l’éthylène glycol. L’origine de cette affirmation pourrait aussi venir d’autres produits présents sous forme de traces dans les vaccins, comme le propylène glycol. Dans tous les cas, ce serait à des concentrations nettement plus faibles que le seuil d’effet toxique.

Vu que le mercure ne se trouve plus dans la plupart des vaccins pour les enfants depuis six ans, un des deux ingrédients favoris que les anti-vaccins aiment citer est le formaldéhyde. Oui, il s’agit bien du même produit utilisé pour fixer les tissus en anatomo-pathologie (habituellement en solution à 10%, connue sous le terme formaline, et qui contient 10g/100 ml de formaldéhyde et amenée par solution tampon à un pH neutre) et c’est aussi le même produit utilisé pour embaumer les cadavres que dissèquent les étudiants en médecine. (Je me rappelle vivement de l’odeur caractéristique, dont il était impossible de se débarrasser pendant des mois.) Durant le processus de fabrication d’un vaccin, il est utilisé pour inactiver les virus vivants, et des traces subsistent après la fabrication. Pourquoi diable autorise-t-on ces traces? Je vous le rappelle encore: la dose fait le poison. Sous forme de traces, le formaldéhyde n’est pas dangereux. Par ailleurs, il ne tient pas longtemps en solution aqueuse, comme les vaccins. Il forme les produits acide formique et monoxyde de carbone. De plus, nous sommes constamment exposés dans notre vie moderne à bien plus de formaldéhyde que ce qu’on peut trouver dans les vaccins. C’est un produit volatile, et il est émis par plusieurs produits trouvés dans à peu près n’importe quel ménage:

La peinture au latex, les solidifiants pour ongles, et les vernis à ongle relâchent de grandes quantités de formaldéhyde dans l’air. Les contreplaqués et agglomérés, ainsi que les mobiliers et armoires qui en sont faits, les produits en fibre de verre, les nouvelles carpettes, les laminés décoratifs, et certains vêtements non repassables libèrent une quantité modérée de formaldéhyde. Certains produits en papier, comme les sacs à provision et les mouchoirs en papier, libèrent de petites quantités de formaldéhyde. Comme ces produits contiennent du formaldéhyde, vous pouvez également être exposés à la peau en les touchant ou en étant en contact direct avec. Vous pouvez également être exposés à de petites quantités de formaldéhyde dans la nourriture que vous mangez. Il est peu probable que vous soyez exposé au formaldéhyde dans l’eau que vous buvez car il ne reste pas longtemps dans l’eau.

Évidemment, compte tenu de ma formation, il est difficile de ne pas mentionner que des générations d’étudiants en médecine ont été, depuis des temps immémoriaux, exposés à de grandes quantités de formaldéhyde. Je ne prétends pas qu’il s’agit d’une bonne chose; personnellement j’aurais préféré l’éviter, et ce serait une bonne chose si nous pouvions diminuer notre exposition moyenne pendant nos activités quotidiennes. Il y a néanmoins une question de perspective. Les anti-vaccins pestent sur le formaldéhyde dans les vaccins et ignorent la source d’exposition, supérieure de plusieurs ordres de grandeur, pendant la vie de chacun d’entre nous, du berceau jusqu’à la tombe: l’environnement.

Enfin, maintenant que le thimérosal a été retiré de presque tous les vaccins pour enfants, les anti-vaccins devaient trouver un autre épouvantail à agiter à propos des vaccins, et, étant donnée leur peur des métaux lourds et leur croyance en la chélation pour guérir l’autisme, le candidat le plus évident est l’aluminium, ce dernier ayant été utilisé comme adjuvant dans de nombreux vaccins pendant plus de 80 ans afin d’augmenter la capacité des antigènes à provoquer la réponse immunitaire voulue. Il est devenu le second des deux produits que les anti-vaccins aiment citer pour diaboliser les vaccins. Certes, l’aluminium n’a pas l’air aussi inquiétant que le mercure, mais le mercure étant tombé en désuétude, les anti-vaccins essaient autant que possible de le rendre monstrueux, ce qui nous ramène à l’article de M. Heckenlively:

L’hydroxyde d’aluminium, le phosphate d’aluminium, le sulfate d’aluminium et potassium sont tous utilisés comme adjuvants pour stimuler le système immunitaire. Les produits à base d’aluminium que l’on trouve dans les anti-transpirants du commerce ont été associés au cancer du sein. Un récent article publié dans le Journal of Inorganic Chemistry, basé sur une recherche de l’université de Keele en Angleterre, cherchait à expliquer le fait « connu, mais non expliqué, d’une plus haute incidence de tumeurs dans le quadrant supérieur externe du sein. » Ils ont trouvé que le contenu en aluminium était plus élevé dans les régions externes où il y a une plus grande densité d’anti-transpirant. Dans leur discussion sur les dangers potentiels de l’aluminium, le rapport affirmait, « L’aluminium est un métallo-œstrogène, il est génotoxique, se lie à l’ADN et a été prouvé cancérigène. C’est aussi un pro-oxydant et cette propriété inhabituelle pourrait fournir un mécanisme de base pour toute potentielle carcinogénicité. La présence confirmée d’aluminium dans les biopsies de tissus du sein souligne son potentiel comme possible facteur dans l’étiologie du cancer du sein. »

Je ne peux m’empêcher de m’interroger: entre appliquer des produits à base d’aluminium sur sa peau pendant de nombreuses années d’affilée et quelques injections d’adjuvants à base d’aluminium dans les vaccins, on peut comparer… comment exactement? Bien entendu, l’affirmation ci-dessus est un complet nonsequitur, mais qu’en est-il des fréquentes affirmations sur les sites web anti-vaccins que l’aluminium cause la malade d’Alzheimer, et donc par extension que les vaccins cause l’Alzheimer? C’est une allégation qui vient du célèbre anti-vaccins Hugh Fudenberg, qui est souvent cité ainsi:

Selon Hugh Fudenberg, MD (http://members.aol.com/nitrf), immuno-généticien de renommée mondiale, et le 13ème biologiste le plus cité de nos jours (près de 850 papiers dans des journaux à comité de revue), si un individu a eu cinq injections de suite du vaccin contre la grippe, ses chances de développer la maladie d’Alzheimer sont dix fois plus élevées que s’il avait eu un seul, deux, ou aucune injection. J’ai demandé au Dr. Fudenberg pourquoi il en était ainsi et il m’a dit que c’était dû au mercure et à l’aluminium présent dans tous les vaccins contre la grippe (et la plupart des vaccins pour enfants). L’accumulation graduelle de mercure et d’aluminium dans le cerveau occasionne des dysfonctions cognitives. Est-ce pour ça qu’Alzheimer est censé quadrupler? Notes: enregistrement d’un speech de Dr. Fudenberg à la conférence internationale sur les vaccins du NVIC, Arlington, VA, Septembre 1997. Cité avec permission. L’affirmation sur Alzheimer et le quadruple vient d’une newsletter de John Hopkins, Novembre 1998.

Sans grande surprise, cette affirmation n’est pas soutenue par la science. Il n’y a pas de preuves suffisantes pour associer le vaccin contre la grippe à une incidence surélevée d’Alzheimer. Sur son blog personnel, mon co-blogueur Steve Novella a fait un bon résumé des preuves concernant le fait que l’aluminium soit ou non impliqué dans la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer. Sa conclusion:

Les preuves sur l’aluminium et l’AD3 sont imprécises, sans direction claire. À ce jour, la meilleure réponse que nous avons est que l’aluminium n’est probablement pas responsable de l’AD mais semble jouer un rôle, peut-être en influençant sa sévérité. Mais même après 42 ans de recherches, il reste un point d’interrogation sur ces conclusions. Nous pouvons éliminer l’aluminium comme seule et unique cause de l’AD, quant à savoir s’il est ou non un facteur de risque indépendant, la réponse est « probablement pas ».

Et, plus important, sur le fait d’abuser de ce que dit la science sur l’aluminium comme cause d’Alzheimer, Steve dit la chose suivante:

Les groupes de scientifiques traditionnels et orientés vers le patient ou la maladie rendent fidèlement l’interprétation faite ci-dessus de la recherche sur le sujet. Mais la complexité des résultats permet très facilement de les exploiter dans un but alarmiste. Les sites web d’hurluberlus notoires, Rense.com par exemple, sélectionnent les preuves qui suggèrent qu’il y a corrélation et les accumulent afin de présenter une vue complètement déformée du problème. Il y aura probablement toujours des rumeurs, des e-mails jouant sur la peur, et des sites web conspirationnistes pour défendre l’idée que l’aluminium cause l’AD, peu importe les progrès de la recherche.

Les anti-vaccins prennent donc désormais la route de la frayeur de l’aluminium parce que les preuves scientifiques sont de plus en plus claires sur le fait que leur précédent épouvantail, le thimérosal, n’est pas associé avec l’autisme; tellement claires que même les plus fanatiques n’osent plus défendre cette idée, surtout depuis que le thimérosal n’est plus présent qu’à l’état de traces dans la plupart des vaccins pour enfants. Par conséquent, ils sont bien obligés de se diversifier vers d’autres ingrédients de vaccins qui ont l’air inquiétant et d’invoquer de bien vagues (et, commodément, presque impossibles à démontrer) « toxines environnementales », sans quoi plus personne ne les écouterait.

Ce qu’il faut retenir de la résistance aux vaccins par des groupes comme Generation Rescue, SafeMinds, et d’autres, c’est qu’elle n’a rien, intrinsèquement, de scientifique. Elle est soit due à une confiance excessive en les anecdotes ou la confusion corrélation/causalité (sans oublier un dédain habituel de la science et la médecine), soit est idéologique par nature. Peu importe combien de « toxines » les scientifiques ôteront des vaccins, ce ne sera jamais suffisant pour Generation Rescue, Jenny McCarthy, ou d’autres anti-vaccins, parce que leur problème, c’est le vaccin, et le concept même de la vaccination, pas un quelconque ingrédient qui s’y trouve présent. Les anti-vaccins n’arriveront jamais à un point où ils diraient, « OK, maintenant je crois qu’il n’y a plus de toxines, et les vaccins sont donc sûrs. » Ils porteront leur obsession sur les virus ou les antigènes viraux ou bactériens, ou bien allégueront que les vaccins sont faits à partir de « fœtus avortés » il y a 40 ans ou plus. Si toute trace de formaldéhyde, d’aluminium, ou de tout autre produit chimique dont le nom comprend plus de deux syllabes était supprimée de tous les vaccins, ils en viendraient toujours à dire des choses comme ça:

C’est la toxine, le germe, contenu dans le vaccin même qui est responsable des effets secondaires sur le système immunitaire.

Des vaccins avec des virus morts, ou des virus vivants, etc… Peu importe! Les cultures pour les vaccins contre la polio sont faites dans du tissu rénal de singes morts, dans des pays du tiers-monde, avec quasiment aucun contrôle, et les toxines de pustules virulentes sont ajoutées aux vaccins qui sont ensuite injectés dans le bras de votre enfant. Je ne voudrais certainement pas me trouver dans une pièce en présence de ce truc putride, et encore moins me le faire injecter dans mon système sanguin! Vous oui?

Voici un exemple encore plus ridicule:

L’ADN provient d’organismes aussi variés que divers animaux, virus animaux/humains, champignons et bactéries. Il est connu que l’injection d’ADN étranger peut avoir comme conséquence qu’une partie de ce dernier s’insère dans l’ADN hôte (voir ‘Immunisation’ Against Disease for Children). Rappelez-vous que la nature n’a jamais expérimenté une invasion aussi directe, pouvons-nous donc être certain qu’elle aurait trouvé un moyen d’en protéger le corps?

Pour un anti-vaccins, ceci écarte d’emblée tout vaccin fait avec des virus vivants atténués, n’est-ce pas? Ceci est encore pire:

Le sang humain est censé être, et était habituellement, stérile – ne contenant aucune bactérie (ou autres organismes). Ce n’est plus le cas. Naturellement, le système immunitaire s’en trouve affaibli, sans compter les quelques fois où une sérieuse infection bactérienne est provoquée.

Les vaccins ne contiennent pas de bactéries vivantes. Il est possible, comme avec n’importe quelle injection, que les vaccins se trouvent contaminés par des bactéries (ce qui est d’ailleurs une raison pour laquelle des conservateurs comme le thimérosal ont été utilisés dans les fioles multi-doses, où la réutilisation augmente le risque de contamination bactérienne), mais c’est involontaire. Ce qui se trouve dans les vaccins, ce sont des protéines bactériennes, qui contiennent les antigènes nécessaires pour provoquer la réponse immunitaire voulue.

Ce serait fascinant d’engager la discussion avec un anti-vaccins qui affirme qu’il n’est pas « anti-vaccins » mais « anti-toxines » ou « pro-sûreté des vaccins », et lui poser cette question hypothétique: si le formaldéhyde, « l’antigel », l’aluminium, le thimérosal, et tout autre produit de vaccins qu’on voit circuler dans les listes de sites web anti-vaccins et qui vous effraient tant étaient complètement supprimés des vaccins standards pour enfants, qu’il n’en reste pas même une seule molécule, feriez-vous alors vacciner votre enfant? La seule chose restante serait une solution saline et les quelques antigènes utiles, qu’ils viennent de virus morts ou de protéines bactériennes, ou n’importe quoi d’autre.

À mon avis, quasiment tous les anti-vaccins vous répondraient par la négative, parce que c’est la « toxine » responsable de l’efficacité des vaccins qui les dérange vraiment, comme les citations ci-dessous le prouvent. Souvenez-en vous lorsque vous voyez ces listes circuler sur les sites web anti-vaccins. Souvenez-vous également de ce principe que la dose fait le poison. Seulement alors comprendrez-vous que la seule chose toxique ici, ce sont les mythes sur les vaccins perpétrés par les anti-vaccins.

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1 Le lien original mène vers un article de Skeptic’s Dictionary, un excellent site anglophone qui décrit fort bien les différents sophismes, donc le sophisme post-hoc. Les Sceptiques du Québec ont traduit une partie des entrées du Skeptic’s Dictionnary et voici celle correspondant au sophisme post-hoc.

2 Pour mes lecteurs qui ne connaîtraient pas ce sympathique sophisme, voici le lien de la page Wikipedia sur le sujet.

3 AD, acronyme de l’anglais Alzheimer’s Disease

6 réflexions sur “Mythes toxiques sur les vaccins (David Gorski)

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  2. Pingback: Vaccins et taux de mortalité infantile: une fausse relation avancée par le mouvement anti-vaccins (David Gorski) | Sceptom

  3. Pingback: Le mouvement anti-vaccins donne une seconde vie aux maladies (USA Today) | Sceptom

  4. Pingback: Vaccins | Pearltrees

  5. Bonjour,
    merci pour cette excellent traduction.
    J’ai juste une remarque : « fumée passive » pour « secondhand smoke » doit plutôt se traduire « tabagisme passif », non ?

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    • Merci pour la remarque, je vais faire la correction. Je me relis toujours avant de publier, mais cet article étant particulièrement long, mon attention a dû faiblir. 🙂

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